Oct 24, 2006

Du Darwinisme dans l'opéra

Grâce à la magie des rééditions de DVD, j’ai découvert une nouvelle version de La Forza Del Destino, de Verdi. Nouvelle version qui est un enregistrement live de 1958 (Teatro di San Carlo, Napoli). Starring Franco Corelli (ah Corelli), La Tebaldi, Ettore Bastianini, Boris Christoff dans le rôle du prêtre et Francesco Molinari-Pradelli à la direction. A la vision de ces images d’archives, plusieurs commentaires me sont venus, notamment sur l’évolution de l’opéra. Si vous ne connaissez rien à cet Art, si vous ne pouvez vous empêcher de vous boucher les oreilles quand un chanteur d’opéra force un peu sa voix, si le terme même d’Opéra vous fait d’abord penser à un navigateur web, si vous êtes réfractaire à cette musique donc, vous ne pouvez pas ne pas connaître les deux mots magiques : Maria Callas. Voir cet enregistrement me renvoie d’abord et avant tout à la Callas. Parce que la Révolution, c’est elle qui l’a initiée. Avant la Callas, il y avait des cantatrices avec des techniques vocales oh combien meilleures. La Tebaldi en est un très bon exemple. Particulièrement dans cet enregistrement. Mais ces cantatrices ne savaient que chanter. Aucune incarnation du personnage, aucun jeu d’acteur, aucune sensibilité. Juste de la technique pure. Magnifique. Mais oh so glaciale. Grâce à la Callas, les metteurs en scène ont eu leur mot à dire à l’Opéra. La première a incarner les personnages qu’elle chantait. Et l’opéra s’est enrichi de la notion d’interprétation théâtrale. Oh bien sûr, on est loin des acteurs de théâtre. Mais on est aussi désormais loin devant ces prestations des décennies passées. Premier constat donc. Deuxième réflexion ; Franco Corelli. Il est de notoriété publique que j’adore Corelli. J’adore ses trémolos (soit on les adore, soit on les déteste, le juste milieu n’existe pas avec Corelli), cette grandiloquence dans l’interprétation vocale. Corelli, dans la dernière scène de Norma par exemple, me donne envie d’être à la place de la Callas et de mourir avec lui sur le bûcher. Tant ses trémolos me parlent. Corelli, c’était le beau gosse des années 50-60; rentrant sur scène avec toute la prestance de son sex-appeal. Navrant. Un coq au milieu des volailles. [sigh] Mon Corelli. Mes si beaux trémolos. Un vulgaire coq. [sigh] Rajout du 24 octobre 2006: Que l'on ne s'étonne pas, ensuite, si je préfère les CDs aux DVDs.
Troisième constat : l’interprétation du chef, Francesco Molinari-Pradelli. Lourde. Pesante. Je ne sais pas si je suis si critique sur les chefs qui dirigent Verdi parce que j’ai tant d’affinités avec ce Maître qu’est Riccardo Muti. Ce chef qui a compris Verdi comme je l'ai compris. Ce chef qui livre, à chaque fois, des interprétations mémorables. La Forza del Destino par Muti, ça n’a rien à voir. C’est tellement plus relevé. Précis. Fin. Pêchu. Muti est extraordinaire de subtilité quand il dirige Verdi (pas forcément avec les autres compositeurs d’ailleurs). Un travail d’orfèvre. Une merveille. Il ne m’a jamais déçue. Mais, quand on aime l’opéra, quand on adore Verdi, quand on adore Corelli, on se délecte de ces rééditions et on en redemande.

[billet écrit le 3 décembre 2004, rapatrié de http://theperiodictable.blogspot.com/2004/12/du-darwinisme-dans-lopra.html]

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