Nov 12, 2006

Le Docteur Miracle

Après une soirée Sonnambula (et une semaine d’écoute intensive auparavant), il est difficile de passer à autre chose. L’antidote du moment se nomme le Docteur Miracle, opérette de jeunesse de Bizet. [un point commun entre Bellini et Bizet ? tous deux sont morts jeunes, 36 ans pour Bizet, 34 pour Bellini] Composé alors que Bizet n’avait pas 19 ans, la génèse de cet opéra-bouffe en un acte est assez fascinante ; en 1856, Jacques Offenbach, directeur du théâtre des Bouffes-Parisiens lance un concours d’opérette en un acte dont le livret, Le Docteur Miracle, est écrit par Léon Battu et Ludovic Halévy. Le président du jury n’est autre que Daniel-François-Esprit Auber (directeur du conservatoire). Bizet obtient la 1ère place, ex-aequo avec Charles Lecocq. Parenthèse polémique : A la proclamation des résultats, Charles Lecocq criera au scandale, en affirmant que Jacques Halévy*, professeur de Bizet au Conservatoire a influencé le résultat (sans compter que Ludovic est son neveu). *La saga des Halévy dans un prochain billet… Indépendamment du fait que l’histoire sur laquelle repose le livret est cruchissime à souhait (des parents manipulés par un amant impatient), il y a, comme dans Les pêcheurs de perles, cet opéra que j’aime tant, une pléthore de répliques tellement énormes qu’elles en sont délicieuses (toute l’extravagance de l’opéra). Quelques exemples choisis ;

Air de Silvio (déguisé en Pasquin) : J’suis encore plus honnête que je ne suis bête « Je sais monter les escaliers Et je sais aussi les descendre, Je cire très bien les souliers, Ce qu’on ne me donne pas j’sais le prendre. Je fais avec beaucoup de talent, Cuire les pommes de terre sous la cendre, Quant aux bûches j’en fais serment, Nul ne sait mieux que moi les fendre. Mais pour vous rassurer, je dois vous déclarer, J’suis encore plus honnête, oui plus honnête, J’suis encore plus honnête que je ne suis bête. Si j’n’étais pas très endetté, J’aurais un charmant caractère, Mais quand on m’dit va d’ce côté, J’pars tout de suite du côté contraire. Ah nous n’sommes pas encore au bout, De tous les talents dont j’dispose, Car non seulement je sais faire tout, Mais j’sais encore faire bien autre chose. Mais pour vous rassurer, je dois vous déclarer, J’suis encore plus honnête, oui plus honnête, J’suis encore plus honnête que je ne suis bête. » (réponse du père : « Allons tu as des connaissances très variées mais ton dernier argument me décide. Je te prends pour ta bêtise. Euh, je veux dire pour ton honnêteté. »)

Un peu plus loin, la manipulation du père par Silvio est présentée de façon ironique : « Père – Si par hasard, trompant ta vigilance, la capitaine s’approchait de ma fille, s’il lui parle ? Silvio (le capitaine en question, déguisé en Pasquin) – Je saurais tout ce qu’il lui dira comme si je lui disais moi-même. Tant que je serai dans la maison, il ne rodera pas aux alentours. Père – Bravo, ton intelligence se développe. » Air du père : L’omelette « J’ai déjà compté dans ma vie, Plus de plaisirs, plus de bonheurs, Fille tendre et femme jolie, Ont comblé les vœux de mon cœur. Mais il n’est rien que je compare, Quand j’ai bien faim sur le matin, Non il n’est rien que je compare, Non, non, non, à ce tableau presque divin, D’une omelette aussi bien faite, Qui me sourit et qui me dit : Je suis ton déjeuner fidèle (bis) Viens je t’attends (ter) Viens je t’appelle. » On touche là à la quintessence du livret d’opéra, vous ne trouvez pas ? Pour finir, une dernière réplique culte, que je compte bien m’approprier : Père – J’éprouve le besoin de promener ma digestion. Le Docteur Miracle

Christiane Eda-Pierre, Liliane Guitton, Robert Massard, Rémy Corazza. Orch. De Radio France, 1976 (CD édité en 2004) Direction Bruno Amaducci

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