Nov 26, 2006

[Les Pêcheurs de Perles] La partition

Dans l’opéra pré-wagnérien, l’action avance traditionnellement à l’aide de récitatifs, intermèdes déclamés à la rythmique plus libre que les airs, (recitativo secco où l’accompagnement instrumental est quasi inexistant, ou recitativo accompagnato, où l’orchestre se fend généreusement de quelques accords pour ponctuer le texte du soliste). Les airs quant à eux sont des instantanés émotionnels d’un soliste ou de plusieurs, ne contribuant donc pas au déroulement de l’intrigue. Les récitatifs, de part leur construction, ont des qualités musicales quasi-inexistantes à mes oreilles, et nuisent, à mon point de vue, à la fluidité de la partition.

La grande force de celle des Pêcheurs est le déroulement continu de l’action, sans utilisation de récitatifs. De fait, la musicalité globale de l’ouvrage est exceptionnellement homogène ; on passe d’un air à l’autre tout naturellement, sans pause instrumentale, et la fluidité qui en découle fait qu’il m’est très difficile, quand je commence l’écoute de cet opéra, de m’arrêter avant la fin, tellement la cohérence musicale invite à poursuivre le voyage auditif (sur ce point précis, le seul opéra que je compare aux Pêcheurs est Rigoletto).

La partition des Pêcheurs recèle également d’autres qualités. Berlioz lui-même a défendu l’opéra, arguant d’ "un nombre considérable de beaux morceaux expressifs pleins de feu et d'un riche coloris" ; en effet, romances, mélodies et grands airs se succèdent à un rythme effréné, ponctués par des interventions chatoyantes ou hostiles du chœur, omniprésent.

Parmi ces grands airs, le duo « Au fond du temple saint » entre Zurga et Nadir (Acte I) et l’air « Je crois entendre encore » de Nadir (acte I) sont devenus des incontournables de l’opéra français, et expliquent probablement pourquoi cet opéra, malgré l’orientalisme désuet dont il est imprégné, est représenté très régulièrement partout dans le monde. Moins connus mais tout aussi remarquables, sont le duo entre Leila et Nadir (acte II) « Le jour est loin encore », le solo de Zurga (début de l’acte III) « L’orage s’est calmé » et le duo Zurga/Leila (acte III) « Je frémis, je chancelle ». Quant aux interventions pléthoriques du chœur, notons celles concluant l’acte II « Voici les deux coupables » & « Brahma, divin Brahma » ainsi que « sombres divinités » à l’acte III.

Cette partition, à elle seule, justifie ma passion inconditionnelle pour cet ouvrage. Vous en connaissez beaucoup, vous, des opéras à la note près? Personnellement, j'en connais deux; les Pêcheurs et Rigoletto.

Extraits YouTube: Au fond du temple saint; Roberto Alagna et Bryn Terfel; Placido Domingo et Rolando Villazon; Alfredo Kraus et Barry McDaniel (rythmique insupportablement lourde et oppressante) Je crois entendre encore; 78 tours d'Enrico Caruso, Alfredo Kraus.

Quand on pense que Bizet a composé ces Pêcheurs alors qu'il avait à peine 25 ans, ça laisse rêveur quand même. Non?

Lien vers le 3e billet de cette série: les différentes versions.

5 comments:

Anonymous said...

c'est beau, c'est vrai mais c'est aussi déprimant de voir que la jeunesse actuelle n'est plus capable de produire de telles oeuvres...

Anonymous said...

Bonjour à tous
J'ai 24 ans decouvert les percheurs de perles de Bizet par hazard mais quelle chance.
cet opera est absolument magique de calme douceur sensualité merci à vous d'avois mit des extrait en ligne
Benoit

Extatic said...

Quelle belle récompense, si ce blog peut aider à la diffusion de cet opéra remarquable.

Anonymous said...

bravo pour votre blog ! sauriez-vous la tonalité de la romance de nadir ? je l'entends en mineur (mais lequel ?) et n'ai pas du tout l'oreille absolue (au contraire....)

Extatic said...

Cet extrait YouTube permet de suivre l'air avec la partition (interprété par Alain Vanzo); l'armure donne les tonalités do majeur / la mineur.

Le dernier accord et le nombre important de sols dièses permet de confirmer que l'air est joué en la mineur.