Sep 30, 2007

La Muette de Portici et l'indépendance de la Belgique





Ou quand l'opéra s'invite dans la grande Histoire...


François-Esprit Auber, un temps élève de Luigi Cherubini au conservatoire de musique de Paris, voit sa carrière de compositeur d’opéras comiques décoller en en 1820 avec La Bergère châtelaine, mais c’est la rencontre avec le librettiste Eugène Scribe qui va le marquer profondément.

Un de ses plus grands succès, La Muette de Portici, (livret de Germain Delavigne, retravaillé par Scribe) est créée à l'Opéra de Paris, salle Le Peletier, le 28 février 1828.



L’intrigue se déroule à Portici, charmante bourgade de la baie de Naples, en 1647, pendant l’occupation espagnole.

« L’opéra s’ouvre sur les préparatifs du mariage entre le fils du duc d’Arcos, Alphonse, et la princesse Elvire. Alphonse avoue à son ami, Lorenzo, sa faute et ses remords, il vient d’abandonner Fenella, une jeune muette qu’il avait séduite. Il craint qu’elle soit morte ; elle a seulement été emprisonnée par ordre du duc. Elvire entre en scène toute joyeuse ; après elle, Fenella qui s’est enfuie de prison et désigne Alphonse comme son suborneur. Elvire lui accorde sa protection tandis qu’Alphonse démasqué est atterré. Elvire fidèle à sa promesse, empêche les soldats de partir à la poursuite de Fenella.

Les pêcheurs de Portici accueillent chez eux Masaniello, le frère de Fenella, très inquiet de la disparition de sa sœur. Soudain, celle-ci reparaît. Masaniello comprend qu’un Espagnol de haut rang l’a trompée. Il demande alors à son ami Pietro et à tous ses compagnons de se révolter contre Alphonse et d’un même élan contre les Espagnols.

Alphonse obtient le pardon d’Elvire. Fenella a fui vers Naples. Les pêcheurs et Masianello s’interposent violemment contre le serviteur du Duc craignant qu’il reconduise la jeune fille en prison. S’ensuit un combat sanglant.

Masaniello ne peut mettre fin au carnage. Alphonse et Elvire en fuite trouvent refuge dans sa cabane. Les pêcheurs qui reconnaissent le vice-roi que Masaniello s’entête à protéger en favorisant sa fuite en même temps que celle d’Elvire voient en Masianello un traître, un nouveau « tyran » et Pietro fait serment de lui faire expier son crime. Il a recours au poison.

Alphonse a rassemblé ses troupes et marche sur Naples. Le Vésuve gronde. Les insurgés demandent à Masianello de leur prêter main forte mais affaibli par le poison, il s’effondre. Fenella apprend la mort de son frère. Très abattue, elle adresse un dernier regard à son traître bien-aimé, Alphonse, avant de se donner la mort. » (extrait de )



Décor de 1828
Photo Forschungsinstitut für Musiktheater, Thurnau



Le rôle principal, celui de Fenella, est une pantomime. L’opéra, réalisé avec les ressources les plus modernes des techniques scéniques fait sensation lors de sa création ; le décor représente le Vésuve, avec en son sommet, un énorme cône percé d’un grand trou. Il entre en éruption juste au moment où la malheureuse Fenella abandonnée et pleurant son frère songe au suicide.

Si les représentations parisiennes (plus de 500) attirent les spectateurs qui veulent se divertir, la première de La muette de Portici au théâtre de la Monnaie à Bruxelles est l’étincelle que les Belges attendaient pour se révolter contre l’occupation hollandaise.




Le 25 août 1830 ((à l'occasion du 59e anniversaire du roi Guillaume Ier des Pays-Bas), les troubles commencent à la sortie du théâtre ; les Bruxellois, influencés par la révolution de juillet à Paris, reprennent à leur compte la lutte des Napolitains contre l'oppression, et particulièrement les paroles du duo du second acte, entre Masaniello et Pietro;


Duo

MASANIELLO et PIETRO
Mieux vaut mourir que rester misérable!
Pour un esclave est-il quelque danger?
Tombe le joug qui nous accable.
Et sous nos coups périsse l'étranger!

Amour sacré de la patrie,
Rends-nous l'audace et la fierté;
A mon pays je dois la vie;
Il me devra sa liberté.


MASANIELLO
Me suivras-tu?

PIETRO
Je m'attache à tes pas,
Je veux te suivre à la mort ...

MASANIELLO
A la gloire!

PIETRO
Soyons unis par le même trépas.

MASANIELLO
Ou couronnés par la même victoire.

MASANIELLO et PIETRO.
Mieux vaut mourir que rester misérable!
Pour un esclave est-il quelque danger?
Tombe le joug qui nous accable,
Et sous nos coups périsse l'étranger!

MASANIELLO
Songe au pouvoir dont l'abus nous opprime,
Songe à ma sœur arrachée à mes bras!

PIETRO
D'un séducteur peut-être elle est victime?

MASANIELLO
Ah! quel qu'il soit, je jure son trépas!

MASANIELLO et PIETRO
Mieux vaut mourir que rester misérable!
Pour un esclave est-il quelque danger?
Tombe le joug qui nous accable,
Et sous nos coups périsse l'étranger!

Amour sacré de la patrie.
Rends-nous l'audace et la fierté;
A mon pays je dois la vie;
Il me devra sa liberté.

La foule se précipite rue de la Madeleine où se trouve la maison du rédacteur en chef du journal pro-orangiste, Le National et incendie le bâtiment.
La nuit suivante, le premier drapeau belge est hissé sur l’hôtel de ville.

La bourgeoisie, plutôt favorable à la politique économique du roi Guillaume Ier des Pays-Bas, prend peur, crée une milice armée et demande, le 1er septembre, au prince Guillaume d’Orange, fils et successeur de Guillaume Ier, d’intercéder auprès de son père en faveur d’une séparation administrative entre le Nord et le Sud du royaume des Pays-Bas.

Lorsque celui-ci refuse, les désordres prennent de l’ampleur et les volontaires affluent de toute la Belgique pour soutenir l’insurrection. Le 23 septembre l’armée hollandaise entre dans Bruxelles hérissée de barricades. Les différents courants révolutionnaires et la bourgeoisie s’allient.

Un comité provisoire, chargé de coordonner les actions des volontaires, est constitué et dans la nuit du 26 au 27 septembre, l’armée hollandaise bat en retraite après de violents combats. Le comité provisoire devient gouvernement provisoire et le 4 octobre 1830 proclame l’indépendance des neuf provinces belges [dix, aujourd'hui : Anvers (VL), Brabant flamand (VL), Brabant wallon (Wa), Flandre-Occidentale (VL), Flandre-Orientale (VL), Hainaut (Wa), Liège (Wa), Limbourg (VL), Luxembourg (Wa), Namur (Wa)].




François-Esprit Auber, références bibliographiques :
Portraits & caricatures d'Auber

Histoire de la Belgique : ici et .

1 comment:

D.Lebrun said...

Rien ne change....Les barrières du langage sont culturelles, seul le sexe permet l'interpénétration culturelle, sur le champ de bataille qu'est l'amour...!
Encore faut-il qu'il ne soit pas saturé, le champ de bataille....par les idées ou par les zumains