Opéra de Lyon
14 au 29 octobre 2006
Gunnel Bohman ........ Elsa von Brabant
Tom Fox ........ Friedrich von Telramund, brabantischer Graf
Evelyn Herlitzius ........ Ortrud
Hans Sotin ........ Heinrich der Vogler, deutscher König
Brett Polegato ........ Der Heerrufer des Königs
Lothar Koenigs
Choeurs et orchestre de l'opéra de Lyon
Une petite soirée à l’opéra ?
Avec cette nouvelle production de Lohengrin, coproduite avec le Festspielhaus Baden-Baden et il Teatro alla Scala (oui vous avez bien lu), , la soirée fleuve commence à 18h30 pour s’achever aux alentours de minuit (4h15 au total, avec les deux entractes de 50 min).
Mise en scène, décors, lumières & costumes :
Autant j’ai quelques réservations concernant la mise en scène et les costumes, autant décors & lumières étaient absolument divins.
La mise en scène de Nikolaus Lehnhoff souffre, à mon sens, de deux aberrations majeures: l’arrivée de Lohengrin (fin du 1er acte) et celle d’Elsa devant le peuple de Brabant juste avant d’aller se marier (fin du 2e acte), deux tournants dramatiques de l’opéra, deux moments d’émotion forts, deux moments de grande bouffonnerie dans la manière dont ils ont été traités par le metteur en scène.
Une sorte de mascarade absurde du plus mauvais goût, parce qu’inconsistante avec le reste de la mise en scène, complètement hors de propos et encore une fois traitée en dépit de toute intensité dramatique.
Dans les deux situations, où la scène est occupée par le chœur et les principaux personnages, l’idée de Lehnhoff a été de faire arriver Lohengrin & Elsa respectivement à l’opposé du champ de vision des personnages déjà sur scène ; pour l’arrivée de Lohengrin (sans son cygne), tout le monde regarde vers le devant de la scène alors qu’il arrive lentement par l’arrière. Et quand il atteint le centre de la scène, soudainement, tout le monde découvre sa présence et se retourne. Cela ressemble véritablement à une mauvaise blague.
Même configuration pour l’arrivée d’Elsa à la fin du 2nd acte ; tous regardent côté jardin en fond de scène (à gauche pour le spectateur), alors qu’elle est en devant de scène et arrive au niveau du chœur par le côté cour (à droite donc). Même réaction, tous se retournent au dernier moment genre, « mince, ça fait la deuxième fois qu’on se fait eu ».
Ce parti-pris de mise en scène, j’ai beau chercher, je ne le comprends pas.
Je suis aussi très sceptique quant au choix de laisser des personnages clés sur le tout devant de la scène, immobiles dans leur chaise (« l’action » se déroulant en milieu de scène) alors qu’ils n’ont rien à y faire ; Elsa pendant tout le 1er acte (alors qu’au début, elle n’a rien à y faire) et toute la 2e moitié du 2nd acte (du moment qu’elle a sa discussion avec Ortrude, elle ne quitte plus la scène).
Enfin, quelqu’un peut-il m’expliquer quelle idée a traversé le crâne de Nikolaus Lehnhoff quand il a décidé que Lohengrin serait en train de jouer la sérénade au piano à sa bien-aimée (1ère scène de l’acte 3) ?
Bref, une impression plus que mitigée sur la mise en scène.
Quant aux costumes de Bettina Walter, qui se voulaient ancrés dans une atmosphère années folles 1900, je n’ai pas aimé le manichéisme entre Elsa et Ortrude (Elsa la naïve et pure en blanc, Ortrude la méchante en noir), pas plus que l’espèce de tutu ridicule dont est affublée Elsa dans la 1ère moitié de l’acte 2.
Mais la palme du n’importe quoi revient au costume de Lohengrin, un vague costume trois pièces gris sous un immonde manteau diforme gris métallique brillant (genre boule à facettes disco). Il a l’air brillant le chevalier salvateur, pour sûr. Crédible ? Hmm, une autre fois peut être (hélas c’est loin d’être le seul problème de crédibilité de Lohengrin, mais j’y reviendrai).
Photos issues des représentations à Baden Baden.
Les décors de Stephan Braunfels en revanche étaient magnifiques. Absolument magistraux. Et tout à fait en phase avec la grandiloquence de l’opéra.
Au 1er acte, un énorme disque central siège du jugement d’Elsa, entouré de hauts gradins circulaires où siège le chœur inquisiteur. Décor qui sera également celui du 3e acte.
Au 2nd acte surtout, une réalisation sublime : des immenses marches parallèles au devant de la scène s’étendant jusqu’au fond, avec au centre, un chemin en pente (montant vers le côté jardin). Spartiate, grandiloquent, carré. Parfait !
Les lumières de Duane Schuler étaient un complément idéal au décor ; j’ai a-do-ré la manière dont elle a décliné les atmosphères bleues (passant du bleu nuit au turquoise), la précision des découpes était remarquable sur les marches (acte 2) quant au jeu des ombres sur ces mêmes marches lors de la scène ouvrant l’acte entre Ortrude et Telramund (projection sur le mur côté jardin, par des latéraux côté cour), il était réellement épatant (je suppose qu’il me faut également rendre hommage au metteur en scène pour la gestuelle de Telramund parfaitement construite dans cette optique).
Enfin, l’arrivée du cygne (fin du 1er acte et fin du dernier) matérialisée par cette fente de lumière blanche verticale et fine en fond de scène, bien que déjà vue (je crois bien que c’était également dans Lohengrin) fait toujours son effet.
Lumières et décors un régal, donc.
Passons maintenant à l’essentiel : la musique.
La direction musicale de Lothar Koenigs était bonne (en même temps, je n’ai jamais entendu d’orchestration ratée de Lohengrin, et il me paraît difficile de le faire), juste une réserve sur les instruments de scène, sur les trompettes de l’acte 1 en fait.
J’ai toujours vu et/ou entendu Lohengrin joué avec ces fameuses trompettes littéralement sur scène, au milieu des chanteurs. Cela rend, entre autres, l’arrivée de Lohengrin encore plus grandiloquente, ce qu’elle est sensée être (come on, nobody comes out of nowhere on the back of a swan) et mélodramatique.
Ici, les trompettes n’étaient pas sur scène, mais sur les côtés, ce qui confère à mon sens une impression de cheap stéréo (genre Bose) à l’ensemble. Bref, je ne suis pas convaincue du tout du bien-fondé de ce choix.
Mais c’est le seul reproche que je ferai à Koenigs.
Commençons par des louanges (et je suis ravie parce que le public d’hier a eu le même ressenti que moi à ce sujet).
Mes félicitations extatiques à Evelyn Herlitzius qui, dans le rôle d’Ortrude, était vraiment extraordinaire. Vocalement, scéniquement, expressivement, you name it, tout était parfait.
Mais vocalement surtout. Quelle voix. Quelle voix.
Ortrude (Evelyn Herlitzius) & Telramund (Tom Fox)
Photo Opéra de Lyon
Hans Sotin, Tom Fox & Brett Polegato ont campé des prestations convaincantes du roi Henri, de Telramund et du hérault du roi ; Hans Sotin est assez limité en présence scénique, mais très bon chanteur et Tom Fox en Telramund était excellent à tous les niveaux.
Les problèmes surviennent avec Elsa et Lohengrin.
Elsa (Gunnel Bohman)
Photo Opéra de Lyon
Inga Nielsen, prévue pour jouer Elsa ayant été limogée pour insuffisance vocale (cf info de ResMusica), elle est remplacée pour l’intégralité des représentations lyonnaises par sa doublure, Gunnel Bohman.
Et on comprend mieux le sens de doublure en entendant la prestation de Bohman.
Non qu’elle chante faux, entendons-nous bien. Sa performance n’était pas désastreuse. Juste quelconque. Ordinaire. Sans relief.
Sans compter qu’elle ne projette pas vraiment en chantant, ce qui, même dans une petite salle comme l’opéra de Lyon, est un sacré problème. Bohman à Bastille, je n’ose même pas imaginer le désastre, au 3e rang on ne l’entendrait déjà plus.
A l’heure où les opéras virent des chanteurs sur des critères physiques (cf. Deborah Voigt à Londres), il aurait été de bon ton de disposer d’Hugh Smith également.
Sur un critère physique, pour être dans la hype attitude lancée par le Royal Opera House de Londres (Lohengrin faisant 150kg, ce n’est pas vraiment mon fantasme du chevalier salvateur avec son beau cygne blanc, sa grande épée argentée et son cor de chasse 100% made in plastics), ou sur des critères vocaux et scéniques, plus sérieusement.
Le robuste jeune ténor américain (comme je l’ai vu nommé sur un site anglosaxon) n’a hélas pas que son physique sur lequel travailler.
Sa voix pour commencer.
Non qu’il chante faux, lui non plus.
Mais alors, si Gunnel Bohman a un problème de projection de voix, Hugh Smith a une carence gravissime à ce niveau concernant les graves. On ne l’entend absolument pas dans ce registre.
Et je n’exagère pas.
Il n’arrive pas même à se faire entendre par dessus l’orchestre jouant un passage doux (entendez sans cuivres et percussions). Alors face au chœur, il ne fait pas le poids (ce qui est un comble au vu de sa stature, vous en conviendrez).
Sérieusement, avec un physique pareil, je ne comprends pas qu’il n’ait aucun coffre.
Et la remarque que je faisais sur Bohman concernant une putative prestation à Bastille trouve encore plus de résonance concernant Hugh Smith.
Conclusion générale à ce spectacle : globalement une bonne soirée, une performance mémorable d’ Evelyn Herlitzius et une combinaison décors/lumières remarquable.
Amour, quel est ton nom ?
Ben, Lohengrin chevalier servant, ma mie.
Dommage que je doive m’en aller, maintenant…
Critique & photo (le fameux décor du 2nd acte) de la performance à Baden-Baden, Festspielhaus, 7 juin 2006 ici.
Compléments (rajout du 28 octobre 2006):
L'article de ResMusica daté du 25 octobre, avec une analyse proche de la mienne.
L'article aigri du Monde, daté du 18 octobre.
[billet écrit le 15 octobre 2006, rapatrié de http://theperiodictable.blogspot.com/2006/10/amour-quel-est-ton-nom.html]
Autres compléments (rajout du 6 mars 2007):
Le livret de Lohengrin (édité par l'Opéra de Lyon) est disponible en pdf ici;
Le dossier de presse de Lohengrin (toujours édité par l'Opéra de Lyon), toujours en pdf, se trouve lui par là.
1 comment:
Mais la palme du n’importe quoi revient au costume de Lohengrin, un vague costume trois pièces gris sous un immonde manteau diforme gris métallique brillant (genre boule à facettes disco)
La palme du ridicule surtout. Je crois que c'est, avec le costume d'Ariane (dans Ariane et Barbe-Bleue sur cette même scène) commis par Agostino Cavalca, le costume le plus laid que j'ai vu de ma vie. Il faut dire qu'habiller un géant comme H. Smith ne doit pas être facile....
Vous avez eu la chance, croyez-moi, de ne pas entendre Inga Nielsen en Elsa, qui avait encore deux fois moins de voix que Gunnel Bohman. I. Nielsen a chanté la Générale, et je ne suis pas certain que l'acidité de son timbre, la petitesse de sa voix ait été dûes à une quelconque méforme vocale.
Pour le reste, je partage tout à fait votre réaction à ce spectacle.
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